Sortie de la Grèce de la zone euro :
leur intérêt, notre problème
Crise grecque : et si les intérêts étaient inverses ?
On nous présente communément la crise de la dette souveraine grecque de la façon suivante : d’une part des grecs cherchant contre vents et marrées à rester dans une zone euro protectrice, défendant ainsi leurs intérêts bien compris ; et d’autre part des partenaires européens dont la patience, la générosité et la bonne volonté désintéressée seraient mises à rudes épreuves par des grecs aussi ingrats qu’inconséquents …
Et si, à peu de chose prés, ce n’était pas exactement le contraire ?....
L’euro, empêchant toute flexibilité monétaire, les grecs doivent subir une compression en terme réel de 20 % quand une dévaluation aurait fait passer cela assez facilement. On notera au passage que ces ajustements comme la France de 1959 doivent atteindre 20% pour être efficace ce qui est inimaginable en terme réel. Donc quelque soit le sacrifice en terme réel de 2 ou 3 % par plan de rigueur quasi mensuel, il sera insuffisant. Bien conscient de la chose, on procède par touches successives : tous les 2- 3 mois un nouveau plan d’austérité. C’est ce qu’il y a de pire psychologiquement, propre à inciter la population grecque au désespoir. Un unique plan drastique de compression des revenus de 20 % aurait été psychologiquement et économiquement préférable….mais les grecs n’auraient-ils pas alors préféré d’eux-mêmes quitter la zone euro ?
Un argument communément rétorqué à ceux qui conseillent la sortie de la Grèce de l’Euro land est la réévaluation de 20% de la dette grecque qu’entraînerait une dévaluation…..Mais une insolvabilité reconnue à 40 ou 60 % change-t-elle réellement les choses ?.. et les perspectives sérieuses alors de redressement n’auraient-elles pas aidé les marchés d’eux même à prêter à nouveau à la Grèce, alors que jusqu ‘à présent on n’a réussi qu’à entretenir le scepticisme des marchés par des mesurettes non crédibles et à saper la crédibilité de l’ensemble de la zone par un plan de sauvetage non finançable ?
Ceux qui ont le plus intérêt au maintien de la Grèce dans la zone euro, ce sont les européens eux-mêmes, la sortie de la Grèce étant le signe de départ de spéculation contre l’Espagne, l’Italie, le Portugal..et un jour la France…donc la fin de la zone . On a déjà fait un saut dans l’inconnu avec les conséquences que l’on sait avec la mise en faillite de ‘Lehmann – brothers’, personne souhaite refaire de même avec la Grèce. Quand à la vertueuse Allemagne, dont les débouchés principaux à l’exportation sont en Europe, elle sait bien que des sorties des pays du ‘club med’, avec des dévaluations n’est pas forcément une bonne chose pour son commerce même si technologiquement ce ne sont pas des concurrents très sérieux.
En quelque sorte, on prête souvent aux américains cette phrase : ‘le dollar est notre monnaie et votre problème’ ….les grecs ne pourraient-ils pas nous dire ‘notre sortie de la zone euro est notre intérêt et votre problème’ ? ...
Actuellement, les européens sont sauvés par le fixisme des grecs, qui à l’image de la France des années 30 et de tous les nouveaux convertis à la monnaie stable, tombent dans le fétichisme de la monnaie quand la crise survient, transformant la solution en problème..
On prête au Président Lincoln évoquant les erreurs politiques classiques les fameux, ‘trop peu, trop tard’ …l’Euro land aura été une triste confirmation de la justesse de ce propos…Ajoutons qu’une solution qui advient trop tardivement n’est plus une solution mais empire le problème. Ces plans de rigueur, légitimes il y a 3 ou 5 ans vont à l’opposée de leurs objectifs en comprimant le PIB donc en réévaluant le ratio dette/PIB.
Christian Guy – Février 2012