Les 15 ans de l’Euro…un anniversaire bien discret.
Il y a 15 ans, 3 ans après les places financières , 5 ans après la fixation irrévocable des parités, et 10 ans après la signature la Traité de Maastricht, l’Euro devenait une réalité quotidienne pour des millions de citoyens européens.
Le bilan politique de l’Euro.
On évoque souvent le bilan économique de l’Euro.
Dans les aspects positifs, on le sait, la fin du risque de change (les dévaluations compétitives des pays d’Europe du Sud), la baisse du taux d’intérêt à court terme rendu possible par la disparition de la nécessité de soutenir le franc face au mark, la baisse des taux d’intérêt à long terme dont ont profité les pays à l’abri de la crédibilité allemande, même si ceux d’Europe du sud ont voulu jouer au passager clandestin en ne respectant pas le pacte de stabilité. Au-delà de la disparition des frais de changes, peut aussi citer la faible inflation, garante à première vue du pouvoir d’achat.
Dans les moins, des politiques monétaires trop restrictives à long terme : taux d’intérêt à court terme ne baissant pas aussi rapidement qu’outre atlantique à la suite de la crise de 2008, la BCE continuant à craindre l’inflation alors qu’on ait à la limite de la déflation, monnaie durablement forte anesthésiant le moteur extérieur et surtout en 2011-2014 des politiques budgétaires restrictives en plaine reprises faisant rechuter lourdement la croissance. Les résultats en terme de croissance et d’emploi sont à l’encans, l’Europe et singulièrement la zone Euro est devenu le boulet de la croissance mondiale, ne semble trouver comme solution que ce qui en faisant justement son originalité : le sacrifice de sa protection sociale. Ce ne sont pas des politiques conjoncturelles, mais des reformes structurelles (comprenne retour en arrière) que viendra la solution, les politiques conjoncturelle doivent neutre…foie de monétaristes…
On connait un mieux à partir de fin 2014, avec une baisse du pétrole, de l’euro et surtout la mise en place d’une certaine monétisation de déficits au grand dam de l’orthodoxe allemand, mais aussi de notre loi de janvier 1973 interdisant les avances de la banque de France. Cet assouplissement à peut être sauvé l’Euro…en tous cas lui aura donné une période de rémission, lui qu’on donnait moribond à l’hiver 2011-2012..il fallait sauver l’Euro…..en sacrifiant la croissance.
A-t-on exagéré le risque de disparition de l’Euro pour pousser les peuples à accepter les sacrifices ? l’histoire le dira peut-être un jour, en tous cas on assista à une belle inversion entre moyens et fins…ce n’était plus l’euro qui était au service de la croissance, mais la croissance sacrifiée qui était au service du sauvetage de l’euro…Après les pays que doivent s’adapter à la monnaie alors qu’on est normalement dans une situation inverse…on est dans une Europe qui aime les inversions ….
Le bilan politique peut être en partie présenté positivement. L’Euro, 15 ans après son introduction dans la vie quotidienne donne corps la construction d’un nouvel Etat européen, le doit de battre monnaie n’est-il pas ce qui identifie la naissance d’un Etat, tels les états issus de l’ex URSS qui se sont empressé d’avoir leur monnaie une fois sorti du giron soviétique.
N’oublions pas que l’euro a été créé pour des raisons politiques, par un François Mitterrand guère féru de la chose économique.
L’objectif était d’arrimer l’Allemagne à l’Europe de l’ouest alors qu’on craignait avec la chute du mur de Berlin que l’Allemagne retrouve les penchants bismarckiens du « mittel Europa ». Surtout on souhaitant diluer dans l’ensemble européen une Allemagne passant de 60 à 80 millions d’habitants …. devenue bien peu contrôlable.
Pressentait-on déjà que c’était la fin du couple franco-allemand, tout couple digne de ce nom reposant sur une égalité, à la base économique ? Ainsi profitant de l’occasion historique d’un Helmut Khôl acceptant d’imposer aux allemands la disparition de leur monnaie, le Marck , fierté national, surtout sans recourir au referendum dont il devinait la réponse négative (déjà cette fâcheuse tendance de l’Europe à faire la démocratie en passant outre la volonté des peuples), François Mitterrand pensa passer les menottes aux allemands, leur lier les mains sur la table, sans qu’ils s’en rendent compte….Triste bilan 25 ans après ou c’est plutôt le reste de l’Europe, a commencé par la France qui semble menotté, volontairement face à une Allemagne leader incontestée de l’Europe. On est loin du concept de souveraineté partagée présenté pour faire accepter les pertes souveraineté. On allait retrouver à plusieurs ce qu’on avait déjà perdu partiellement seul.
Le déclin de l’influence politique de la France a été certes accéléré par l’entre en 2004 de pays voisins de l’Allemagne, dans son influence économique. On espérait que l’influence politique traditionnelle de la France, la politique de revers contre l’Allemagne, suffirait à compenser. Hors, l’influence politique n’est que la conséquence de la suprématie économique, et à croire que c’est en adoptant la monnaie allemande, ce qu’est en réalité l’euro, c’’était le ‘deal’, compréhensible du sacrifice de l’Allemagne (on perd le mark, mais il est remplacé par un substitut régi par les mêmes règles strictes) qu’on devient l’économie allemande, on a miné notre économie. Une France qui comme beaucoup de pays d’Europe du sud, a des PME financées par le crédit, et non des grandes entreprises financées en bourse, une France qui possède une compétitivité prix et non hors prix, ne peut supporter bien la pratique de taux d’intérêt élevé et d’une monnaie forte, d’autres telle l’Italie en on payé depuis 15 ans encore plus chèrement le prix…avant cela l’Angleterre de Thatcher, cher à F. Fillon, avait fait le même choix du sacrifice de l’industrie, pour la force de la livre et de la city à l’époque.
Les dommages ont été pires dans les pays d’Europe du sud : en l’absence de flexibilité monétaire, plus de monnaie à dévaluer avec une monnaie unique pour tous, on passait à la flexibilité réelle, ou plus exactement sociale : baisse des salaires, de la protection sociale….les grecques ont appréciés en version lourde ce que nous dégustons quotidiennement, en tous cas dans les discours en version light. Au-delà de la monnaie, c’est même le modèle de croissance qui est devenu allemand : priorité aux marchés extérieurs en contrepartie d’une croissance interne en baisse, faute de natalité en Allemagne, faute dynamique salariale dans le reste de l’Europe. Plus on scarifie ses salaires, plus on marque des points sur les marches du voisins, sauf qu’on ne peut exporter plus que si le voisin ne pratique pas la même politique. Ce jeux de passager clandestin ne peut fonctionner que si un seul pays le pratique…il est même mondial avec la possibilité offerte de délocaliser en chine, et donc de ne plus verser du pouvoir d’achat en Europe, tout en profitant de celui-ci, fiancé par les rares qui y sont restés.
L’Europe n’est pas une Zone monétaire optimale, le marché du travail notamment n’est pas intégré, les barrières de langues, la non reconnaissance des diplômes, les différences culturels, ne donne pas envie à un grecque, frappé par une politique inadapté d’aller vivre à Hanovre. Alors qu’un habitant du Wyoming peut plier bagages pour aller vivre dans le Wisconsin.
A cela s’ajoute le déphasage de conjoncture, qui rend très difficile la fixation d’un taux d’intérêt et de change unique pour une seule zone. Les derniers indicateurs quant à la convergence, à la divergence devrait-on dire, sont même problématiques : les écarts de productivité ont tendance à se renforcer.
Les pays d’Europe du nord, tel l’Allemagne craignent qu’un chômage faible n’alimente l’inflation, d’où le recours aux flux migratoire, quand les pays d’Europe du sud ou le chômage est proche ou au-delà des 20% souhaitent une lutte contre le chômage et utilisent pour ce faire le seul instrument laissé à leur disposition, la politique budgétaire…deux pilotes dans la même voitures, un qui appuie sur le frein de la politique monétaire, quand l’autre enfonce à pleine force sur l’accélérateur de la politique budgétaire…c’est le tête à queue assurer à long terme…
L’objectif de l’Euro était de faire l’emporter le politique sur l’économique. Cela faisant près de 20 ans, après le fameux rapport Warner de 1972, que l’on songeait à la mise en place d’une monnaie unique. L’ECU avec le SME en était les prémices mais on en voyait la date bien éloignée tant étaient grandes les divergences entre les pays…à monnaie unique pays unique, et en tous cas politique unique et non souveraineté des politiques conjoncturelles partages entre état et instance européenne.
Mais l’échéance aurait été de plusieurs décennies, et François Mitterrand n’a pas voulu rater l’opportunité politique d’un Helmut Khôl prés à imposer cela contre son peuple avons-nous dit. Il pariait sans doute sur le fait quel l’Europe s’est toujours réalisé dans l’urgence, et qu’il fallait faire preuve de volontarisme politique. Le politique doit commander à l’économique. Mais , il n’est pas de politique qui vaille sans la prise en compte des réalité comme disait le grand Charles, et même s’il avouât qu’on ne faisait pas rêver les français sur des courbes de croissances, se serait-il lancer dans une politique aussi aventureuse, qui aurait sans doute fonctionner dans une période de prospérité, celle-ci permettant de financer le coût social d’une convergence à marche forcée, et si les peuples avaient accepter la perte totale de leur souveraineté budgétaire..L’Europe est malade de ces demis-pats….on ouvre la porte sans vraiment y entrer…
Ces deux exigences, croissance économique et perte totale de la souveraineté budgétaire acceptée par les peuples, au regard de la faiblesse structurelle de la croissance et des résultats de scrutins dans le monde en 2016 apparaissent comme bien hasardeux…Sans les possibilités économiques, le volontarisme politique est donc de peu de portée, aura été la leçon de l’histoire de l’Euro s’il ne survie pas à une prochaine période de difficulté, on ne peut mettre la charrue politique avant les bœufs économiques…En tous cas si l’Euro a bien permis un renforcement des instances européennes, on est loin du rêve de dilution de l’Allemagne…c’est plus l’effacement de la France qu’il faut acter 20 ans après.
Il reste que si l’Euro survie grâce à une reprise durable et à une perte de souveraineté budgétaire, se pose un autre problème : dans quel mesure une zone de libre-échange a-t-elle besoin de pays se ressemblant tous….alors qu’on pourrait convenir qu’une zone de libre-échange requiert une complémentarité des spécialisations…ainsi n’y aurait-il pas contradiction en les projets politiques d’intégration et monétaires de convergences d’une part et le projet commercial de complémentarité d’autre part…si ressembler à l’Allemagne n’est pas chose facile, et ce n’est probablement pas en adoptant sa monnaie qu’on s’y prendra le mieux, on y gagne qu’affaiblissement économique et effacement politique, est-ce même chose souhaitable, pour le pays…et pour toute l’Europe ?
C.G. 28 janvier 2017.