Spéculer en bourse à l'aide du cycle électoral : jouer les milieux de mandats dontre les deux extrémités
Résumé : En limitant les investissements boursiers à certaines périodes, notamment les milieux de mandats, nous pouvons obtenir une amélioration des performances boursières. Dans nos positions jouant la hausse en milieu de mandat , notre étude montre que de 1981 à 2008 (date de la fin de l'étude) un investissement en europe bloqué sur 5 ans ( type PEA ) aurait été systématiquement plus rentable au moment du débloquage que la performance des indices moyens.
La faillite d’un tiers des « hedges founds »(fonds spéculatifs) en 2008, un taux de faillite de 50% en 2009, a rappelé aux amateurs de la « bourse casino », à quel point les arbitrages sont choses risquées.
Pourtant, il existe une possibilité d’anticipation encore assez méconnue basée sur l’existence d’un cycle électoral à l’oeuvre dans la plus part des économies : les places financières sont en général au plus haut en milieu de mandat, et au contraire au plus bas dans les mois qui entourent les échéances électorales.
Attestée par une analyse portant sur plus de 50 années et étendue à 23 pays, cette étude pratique n’a d’autre ambition que d’ouvrir une perspective, perspective qui possède également ses limites, mais qui pourra donner lieu à de nombreux approfondissements dont nous évoquerons deux pistes.
1. La méthode.
Le graphique 1 en fin d'étude nous montre l’évolution des cours de la bourse en glissement sur un an pour 23 pays de l’OCDE de 1957 à 2008. Nous suivons les évolutions du premier trimestre qui suit les élections (noté 1-1) au quatrième trimestre de la quatrième année (noté 4-4). Ce trimestre correspondra, dans nombre de pays, à la tenue de nouvelles élections. Nous observons que les cours de la bourse sont au plus haut en milieu de mandat, alors qu’est anticipée la reprise préélectorale du PIB qui aura lieu traditionnellement en fin de mandat. Par contre à proximité directe des élections, les anticipations sont assez négatives, les marchés anticipant déjà le fréquent déclin de la croissance économique en début de mandat suivant. C’est en effet après les élections que les gouvernements choisissent généralement de mettre en œuvre des politiques de lutte contre l’inflation ce qui dégradent à court terme la conjoncture.
Nous décidons à partir de ce graphique de prendre trois positions spéculatives :
- La position « hausse milieu » consiste à anticiper une hausse de la bourse du troisième trimestre de la deuxième année (noté 2-3) au deuxième trimestre de la troisième année (noté 3-2).
- La position « baisse extrémité » consiste à anticiper un déclin des cours dans l’environnement direct des élections de 4-3 à 1-2.
- La position « large milieu » parie sur une hausse de la bourse sur l’ensemble du mandat (de 1-4 à 4-1) sauf aux extrémités, les trois premiers et trois derniers trimestres étant donc exceptés. On réduit les risques en prenant position sur 8 trimestres alors que les deux cas précédents ne le faisaient que sur 4.
2. Résultats.
Le tableau 1 nous montre année par année de 1957 à 2008 les résultats de nos différentes positions.
Nous avons d’abord dans les deux premières colonnes, l’évolution moyenne des cours pour les 23 pays de l’OCDE de notre étude (noté Bourse 23) et de façon plus restreinte pour les12 pays appartenants à présent à la zone Euro (noté Euro). En se limitant à la zone Euro, on évite le risque de change. Certes, avant 1997 cette distinction n’avait guère de sens, mais une certaine stabilité des changes existait déjà à travers le Système Monétaire Européen. Ces évolutions boursières par zone sont non pondérées, chaque pays a une égale importance dans le calcul de la moyenne.
Les troisième et quatrième colonnes donnent a nouveau ces évolutions, mais cette fois en terme réel, c'est-à-dire déduction faîte de l’inflation. On perçoit alors une hausse quasi ininterrompue des cours depuis 1983, alors que les années 70 ont constituées une période d’érosion durable.
L’ensemble des colonnes suivantes rendront compte d’évolutions différentielles : on calcule la différence entre la position qu’on à choisie et l’évolution de l’ensemble des bourses. Ainsi, un chiffre négatif indique une moindre performance par rapport aux évolutions moyennes ce qui peut constituer un échec (positions « hausse milieu » ou « milieu large ») ou un succès (position « baisse extrémité »).
Les colonnes quatre et cinq livrent les résultats de nos positions « hausse milieu ». Nous observons les limites de cette position lorsque les cours chutent, notamment durant les années 70. A cette époque des signes négatifs apparaissants, nos placements ciblés électoralement auraient été moins performants que des placements indifférenciés. Par contre depuis les années 80, cette stratégie s’avére intéressante ainsi qu’en atteste le grand nombre de signes positifs, particulièrement pour la zone Euro.
Les sixième et septième colonnes nous livrent les résultats d’une présence boursière large sur 10 trimestres, dite « large milieu » dont nous avons indiqué qu’elle avait comme objectif de réduire les risques. En effet si la période basse du cycle se produit assez régulièrement aux extrémités des mandats, la période haute peut se produire dés le début de la seconde année ou n’intervenir qu’à la fin de la troisième. L’objectif de diminution des risques est atteint car l’examen des résultats année par année laisse en effet apparaître plus souvent des signes positifs que lorsque la position était limitée à 4 trimestres. Cette baisse du risque se paye comme souvent en bourse par une moindre rentabilité à long terme ainsi qu’en atteste la performance moyenne donnée en dernière ligne, notablement inférieures à celles enregistrées lorsque les prises de positions sont limitées au seul 4 trimestres de milieu de mandat.
Les deux dernières colonnes rendent compte de nos positions baissières à l’extrémité des mandats, appelées « baisse extrémité ». Là encore, on observe que les prévisions sont infirmées en cas de baisse de la bourse. Cela est particulièrement vérifié durant les années 70 où confronté à la hausse du chômage beaucoup de gouvernements choisiront d’inverser leur politique traditionnelle en débutant leur mandat par une politique de relance, et non par une de refroidissement, plus adaptée elle à la lutte contre l’inflation. Cette inversion des politiques économiques entraînera logiquement une inversion du cycle électoral boursier.
3. Approfondissements.
Deux méthodes peuvent être utilisées pour améliorer les résultats :
- · La première consiste à tirer les conséquences d’un constat souvent établi précédemment : nos positions s’avéraient inopportunes en cas de baisse en terme réel de la bourse. Certes, l’idéal serait de pouvoir prévoir ce que seront les cours de la nouvelle année. Mais la prévision étant un art difficile, on se contentera dans nos arbitrages de tirer parti du fait que les années baissières comme les haussières ont tendance à se succéder. Ainsi, on ne prend à présent position qu’à condition que l’année précédente fût haussière. Le tableau 2 nous indique qu’on parvient ainsi à éviter les erreurs commises précédemment durant les années 70. Cette méthode qui oblige à s’abstenir d’intervention boursière certaines années, d’où de nombreuses cases vides, permet d’améliorer assez sensiblement les résultats ainsi que le montre les performances moyennes indiquées en bas de tableau.
- · Notre seconde méthode consiste à nous défaire de nos positions qu’au terme de 5 années, dans le cadre par exemple d’un PEA. Les mauvaises surprises d’une année, peuvent être compensées par les bonnes des autres. Il s’agit en quelque sorte du calcul d’une moyenne mobile sur 5 ans. Le tableau 3 nous indique ainsi que la position la plus sure, n’investir que dans la zone euro et sur 10 trimestres (milieu large), est également la plus régulièrement performante depuis 1981. Même au 31 décembre 2008, le PEA ouvert le 1er janvier 2004 accuserai un surcroît annuel moyen de 3.82 % par rapport à un placement boursier classique. Sur les 27 dernières années, on enregistre 27 années de succès, peu de placements peuvent s’enorgueillir d’une telle performance. Il est vrai qu’elle est à relativiser si on prend la situation plus difficile des années 70. Cependant, on peut faire valoir que les marchés et les régulations évoluant, la prise en compte des années récentes est plus importante que celles de décennies reculées.
Conclusion
Nous avons tenu a tester notre méthode sur une longue période historique de 53 années.
Certes en faisant intervenir la période difficile que fut pour les marchés la décennie 70, on limitait la portée de notre méthode dont les résultats sont surtout positifs dans le contexte globalement haussier des 27 dernières années.
Etudier des phénomènes financiers sur 53 ans peut paraître surprenant tant les mécanismes et contextes évoluent. Cependant, la prise d’un certains recul au travers d’une mise en perspective historique, aurait peut-être permis aux propriétaires de « hedge-funds » trop confiants dans des modèles mathématiques sophistiqués d’éviter certaines erreurs, plus d’histoire, moins de mathématiques…telle est peut être pour les traders la leçon pour de la crise présente.
Méthode
Les pays aux mandats législatifs de 5 années (Canada, France, Irlande, Italie, Luxembourg, R.U.) voient leurs six derniers trimestres considérés comme l’extrémité finale du mandat et non les seuls deux derniers.
Les Etats-unis constituent le seul pays pour lequel ce sont les élections présidentielles et non législatives, qui sont prises en compte.
Les élections anticipées ne sont pas prise en compte, sauf pour celles intervenant au cours de la quatrième année pour les pays aux mandats de cinq ans.
Les pays dont les mandats sont de 3 ans (Australie, Nouvelle-zélande, Suède de la période 1970-94) ont une période ‘milieu large’ qui ne dure que 4 trimestres et non 8.
Statistiques : O.C.D.E. et O.N.U.
Christian Guy
Docteur en Sciences économiques
Agrégé de Sciences sociales
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