Individualisme, politique et religion
Les champs du politique et du religieux vivent les mêmes transformations liées à l’individualisation des sociétés.
On avait une relation à la fois assez constante tout au long de sa vie, allant régulièrement aux offices, tout comme on se rendait avec une régularité de métronome à la réunion de la cellule du PC ou de la section d’une autre formation. A présent, on y va au coup par coup, de façon plus intense, et plus fragmenté à l’image de notre société. On fera une retraite dans une communauté, mais dès le dimanche suivant on ne se rendra pas à l’office, tout comme on ira à la fête de l’huma. ou à un meeting crier des slogans et faire corps avec le reste du publique…sans lendemain.
Au-delà de la pratique, aspect quantitatif, c’est également notre proximité à la chose, aspect qualitatif, qui peut se montrer beaucoup plus sinueux qu’avant durant nos vies. A l’occasion d’un accident de la vie, perte de la santé, de l’emploi, du conjoint, ou d’une étape importante comme la retraite, on va ressentir le besoin de se rapprocher de la religion, de remettre sa vie en perspective, de trouver une transcendance. De même, ceux-la même qui se sont beaucoup investis durant une campagne électorale, telle celle de 2017, prenant fait et cause pour leurs poulains, vont ensuite adopter quelques distances…on est loin de la linéarité des vies d’avant, de ceux qui recevaient la médaille d’or de la CGT après 50 ans de militantisme, qui était gaulliste durant toute leur vie…ou socialiste comme leur père.
Enfin et surtout, on assiste à une recomposition personnelle des croyances religieuses comme des opinions politiques. C’est de moins en moins « au menu », de plus en plus « à la carte ». On fait son supermarché religieux, prenant ici, rejetant là. Ainsi près de 20% des catholiques disent croire à la réincarnation. De même en politique, il est de plus en plus difficile à nos concitoyens de se placer de façon univoque sur l’échiquier politique, on sera de droite sur tel aspect de gauche sur tel autre…ce qui a bien aidé Macron, à droite sur les aspects économiques et à gauche sur les problèmes sociétaux.
Religion et politique étaient au centre de cette société ou dominait le collectif, que Durkheim aurait appelé « la conscience collective ». Des dogmes définis pour tous et à prendre d‘un seul bloc et sans réserves, qu’ils soient définis par le pape et les conciles pour les uns, par le centralisme démocratique ou un sauveur bien terrestre comme De gaulle pour les autres. Des pratiques collectives de la grand-messe à la réunion locale ou aux meetings, une foi et un dévouement attendus comme indéfectibles quand nos identités multiples ou successives rendent cela compliqués. Surtout, une vérité seule et unique pour tous, universelle, qu’elle soit révélée par un messie ; ou fruit des mécanismes du marché ou du plan… à présent on est plutôt développement personnel que projet universel…plutôt que l’avenir radieux terrestre des uns et le bonheur pour l’au-delà des autres, on préfère la recherche de l’équilibre quotidien…
De la politique ou de la religion on aurait pensé il y a trente ans que c’était la première qui était dans la situation la plus compromise face au choc de l’individualisation des sociétés. Gagnée par la fragmentation de la société, elle profite d’un besoin identitaire et en devient le véhicule. La politique à l’heure de la mondialisation et des transferts de souveraineté, sans parler des échecs successifs de tous la discréditant, est, elle en bien piteuse situation.
La relative renaissance de la religion, avec ses dérives et ses limites, et forcement avec des contours nouveaux montre que rien n’est jamais perdu et peut-être que confronté à des défis majeurs et mobilisateurs, on ne le souhaite presque pas pour notre pays, la politique se réveillera à nouveau…en espérant éviter les excès ou une foi extrême en elle a pu conduire aux deux bords de l’échiquier politique dans la première moitié du XX émet siècle….