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15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 07:09

 

 

     Le protectionnisme : faisons le point.

 

A quelques jours de l’investiture de Donald Trump, revenons sur ce qui a fait sur le plan économique l’originalité de ses propositions : le recours au protectionnisme.

Cet argument électoral peut être né d’une analyse fine de la carte électoral, l’idée que les « sweeping states, Etats qui pouvaient faire basculer l’élection étaient en proie à des délocalisations. Mais au-delà de l’opportunisme électoral, il reste une proposition discutée sur le plan économique.

Cette thématique est certes inhabituelle pour des républicains attachés en période de prospérité au libéralisme économiques, libéralisme qui par ses principes repose sur la libre entreprise et le libre-échange. Historiquement, si les républicains ont été parfois isolationnistes sur le plan diplomatique contrairement aux démocrates, ils ne l’étaient pas sur le plan économique, le « grand old party » étant le parti du « big business », à présent on dirait « pro business ».  Cependant au début de la crise de 1929, l’apathie du pouvoir républicain face au phénomène, le fameux « laisser faire laisser passer» ne fût démenti que par le recours au protectionnisme tarifaire du président Hoover. Déjà la crise était prétexte aux entorses au dogme libéral.

Cette malheureuse initiative  protectionniste donna lieu à une surenchère mondiale durant toute les années 30 , jugée à présent très sévèrement par les économistes. Le protectionnisme déboucha sur des guerres commerciales, aggravées par des dévaluations en cascade initiées par l’Angleterre en 1931. Il ne resta que la France à prolonger l’orthodoxie libérale, jusqu’en 1936 tout au moins, pour son plus grand malheur, il ne faut jamais respecter les règles du jeu quand tout le monde triche !

 

On a retenu de ce recours généralisé au protectionnisme durant les années 1930 le fait que l’on privait l’économie du progrès technique et des rendements d’échelle qu’entraîne la pression de la concurrence internationale, ce qui empêchait les gains de pouvoir d’achat qui alimentent ordinairement à long terme la croissance. Progressivement la croissance est anesthésiée. Pour un bénéfice immédiat et ponctuel, quelques secteurs dangereusement menacés par la concurrence étant sauvés, on se prive à long terme des vertus générales du libre-échange, telle une bonne allocation des facteurs au niveau international, chacun évitant les productions dans lequel il est inefficace. On évite ainsi  les « goulets d’étranglement » qui bloquent la croissance lorsqu'on essaye de tout faire seul. Imaginons nos entreprises handicapées par des ordinateurs français d'un autre temps ou nos voitures roulant au gazogène….

Mais A. Smith lui-même avait déjà remarqué qu’entre un bénéfice général à long terme, si général et disséminé que personne n’en n’a vraiment conscience, et un coût immédiat et concentré sur quelques victimes, qui ne manqueront pas de manifester tapageusement, le pouvoir ne manquera pas de donner raison aux seconds plutôt qu’aux premiers.

Il existe un paradoxe dans la thématique du protectionnisme, elle est assez populaire dans l’opinion publique, alors qu’il est par contre assez difficile, voire impossible, de trouver des économistes favorables à son application générale et durable. Est acquis l’échec des stratégies autocentrées des pays en développement des années 60-70: la Chine a commencé à décoller une fois qu’elle a accepté de s’insérer dans le commerce international, ses recettes à l’exportation lui permettant de financer des achats d’équipement. Il n’y a qu’un protectionnisme ponctuel et ciblé, le fameux protectionnisme éducateur ou défensif, qui trouvent une justification théorique : on protège un secteur précis le temps qu’il rattrape son retard. C’est ce que le fît l’automobile japonaise de 1955 à 1975…le protectionnisme définitif abouti lui à la Traban…voiture produite par l’Allemagne de l’est de 1961 à 1989…sans modification et sans qu’il ne soit prévu quelques évolutions…

Au-delà du retard technologique, le recours au protectionnisme provoque d’autres coûts. On y perdrait en pouvoir d’achat : qui a envie de payer son textile 'made in France' 3 fois plus cher ?  Cependant, on y gagnerait en emploi, plus précisément en emploi non qualifié, des secteurs à faible valeur ajouté ne seraient plus victimes de la concurrence des pays à bas salaires. C’est là que l’on trouve que la France et d’autres ont fait avec la mondialisation le choix du chômage pour sauvegarder le pouvoir d’achat.

On a certainement à partir du début des années 80 sous-estimé le coût en emploi de la mondialisation, d’où son emballement à partir des années 90…On a un peu signé trop facilement des accords de libre échange (Uruguay-round) ou admis au sein de l’Europe des pays à niveau de vie radicalement différent ( Europe de l’est en 2004) dont on pensait que la faible productivité et le retard technologique suffiraient à nous mettre à l’abris de leur concurrence redoutable. L’idée du «redéploiement » , thème fort des années 80, était que les emplois non qualifiés perdus dans les secteurs à faible valeur ajouté que nous abandonnions à la concurrence des pays à bas salaires, seraient compensés par le développement des hautes technologies (aérospatiale, armement..). Comme souvent les erreurs, elle n’a pas été totale : il est exact qu’avec l’argent que les pays en développement gagnent en exportant des produits à faible valeur ajouté ils nous achètent des hautes technologies ; ce n’est pas aux américains qui savent très bien en faire eux-mêmes que l’on va vendre des avions, des centrales atomiques, des terminaux téléphoniques, des trains ou des armes, mais plutôt aux chinois ou aux indiens. Cependant, progressivement ces pays nous rattrapent, peut-être plus vite que nous le pensions, et ce d’autant que les ventes sont sous condition de transferts technologiques. Leur rattrapage en productivité et en technologie se réalise certainement plus vite que la vitesse à laquelle se renouvelle et se développe de nouvelles technologies pour lesquelles ils ne nous menacent pas encore à moyen terme. De plus, on a surestimé les retombées en emploi crées par ces secteurs à forte valeur ajouté : un équivalent en prix n’est pas un équivalent en emploi. Pour un airbus à 500 millions d’euros ayant créé 500 emplois fortement rémunérés, combien d’emplois perdus, peut-être 5000, par l’importation de 500 000 chemises à 10 euros ? Peut-être pensait-on que le dynamisme du marché intérieur, relayé par les hausses de pouvoir d’achat rendues possibles par les importations peu coûteuses compenserait le solde négatif du libre-échange en matière d’emploi, mais dans l’inflexion néo-libérale actuelle, ces emplois de service à la personne, de restauration et autres activités touristiques se sont avérés mal rémunérés, précaires et en temps partiel subit. La disparition du prolétaire de la sidérurgie à donnée naissance aux pauvres laborieux de chez Mac-do…le premier votait communiste, le second s’abstient…ou vote Trump et Le Pen !

On a sacrifié certains secteurs (le textile pour l’aviation) certains bassins d’emploi (Valenciennes pour Toulouse) certaines populations (les personne peu qualifiés pour les très qualifiés), certaines catégories: le secteur abrité profitant des prix bas importés (profession libéral artisans et commerçants, fonctionnaires), au détriment du secteur exposé à la concurrence internationale, et à ses affres de compression de personnel et salarial. Tout cela nécessiterait que les catégories gagnantes compensent leurs bénéfices d’un approvisionnement à prix bas par des transferts à destination des perdants. Mais la mondialisation a cela de tristement remarquable qu’elle empêche la réparation de ses propres dégâts : toute augmentation des prélèvements entraîne des risques de délocalisation des entreprises, des fortunes, sans parler de la fuite des cerveaux…

Comme tous les phénomènes économiques, la mondialisation compte donc des gagnants et des perdants. On est loin de la «mondialisation heureuse » promise par A. Minc….pour qui elle représente des d’opportunités à l’exportation quand les marchés européens stagnent. David Ricardo lui-même, le chantre du libre-échange, indiquait que certains pays y gagneraient plus que d’autres, le Royaume unis plus que la France par exemple, et que certaines catégories, la paysannerie anglaise, y perdrait quand d’autres, le secteur industriel y gagnerait. Enfin, il évoquait le fait que toute concurrence entraîne une harmonisation de la rémunération des facteurs, dit en terme moins élégants, cela signifie que quand les salaires des pays plus pauvres monteraient ceux des plus riches baisseraient….On est donc vraiment , même sur le plan théorique, bien loin de la présentation « heureuse » de la mondialisation faite par ceux qui ont financièrement intérêt à son approfondissement quand celle-ci aboutit à une protection sociale et une redistribution toujours plus faible.

Cependant, si le libre-échange a été payé au prix fort par les pauvres des pays riches, elle a par contre en 30 ans permis de sortir plus d’un milliard d’être humain de la pauvreté : le libre-échange entraîne une réduction des inégalités au niveau international, (les Pib des pays qui s’insèrent s’est rapproché de celui des pays riches) mais une augmentation des inégalités à l’intérieur des pays. Certes, en Chine, le nouvel ouvrier vie moins dans la misère que lorsqu’il était paysan, mais c’est bien peu par rapport aux fortunes des quelques maoïstes reconvertis, avec succès dans l’aventure entrepreneuriale, finalement il n’y a pas qu’en France que cela s’est produit ! Dans les pays riches, les salariés des secteurs abrités profitent de la baisse des prix des produits importés, les entreprises de hautes technologies  voient dans nos concurrents des clients, les hauts revenus profitent des baisses d’impôts nées de la concurrence fiscale...il y a donc bien , même chez nous des gagnants d'un libre échange anarchiquement conduit...

Car le consommateur est à côté de l’actionnaire le grand gagnant de la mondialisation . Il bénéficie avec les importations de plus de choix, la pression concurrentielle extérieure permet une amélioration de la qualité et des prix plus bas. Cependant, il ne doit pas oublier qu’on ne peut consommer que sur la base des revenus que l’on a gagné par son activité. Le consommateur du samedi qui achète des produits turques, tunisiens ou chinois,pourrait-il le faire longtemps s’il est le licencié de la semaine, ou qu’il voit son salaire pressuré par cette concurrence, quand ce n’est pas ses impôts augmentés pour payer les dégâts sociaux du libre échange (le chômage et son cortège de délinquance, d’addiction à l’alcool, aux stupéfiants.) ? A quoi cela sert-il de payer ses produits 10 % moins chers, si c’est pour payer 10 % d’impôts en plus ?

Il faut dire que face à la mondialisation, la France n’a pas choisi la stratégie gagnante.

Quand les allemands ont choisi la compétitivité produit ( oubliera-t-on longtemps que dans l’automobile allemande les salaires sont supérieurs aux français et le temps de travail pas supérieur) en France on tente la compétitivité prix. Stratégie désespérée, car outre qu’il parait illusoire de s’indexer sur les salaires de certains pays en développement, il y a certains éléments dès la compétitivité prix que nous ne maîtrisons pas, telle la monnaie, avec un euro qui sur 17 année a plutôt été une monnaie sur évaluée que sous-évaluée.

Etre favorable à la protection de l’environnement, des hommes (protection sociale) implique d’été favorable au protectionnisme commerciale, les deux premières protections sont conditionnées par la  troisième car imposer à nos entreprises des coûts environnementaux (marché des quotas d’émissions, réglementation ) sociaux (cotisation sociales) sans les protéger des pays qui ne le pratiquent pas, expose aux pertes d’emplois. Il ne faut pas oublier que nous  sommes avec l'extension du libre échange de plus en rarement dans une concurrence entre entreprises (oui au sein de l’UE avec les pays ayant les mêmes exigences) mais de plus en plus souvent dans une concurrence entre systèmes économiques, et qu’en la matière c’est le moins disant qui l’emporte.

Plus largement l’Europe a généralisé depuis 30 ans un modèle de croissance basé sur la compétitivité extérieur. On baisse ses salaires, sa protection sociale (mais pas sa monnaie..) pour gagner en compétitivité. Ce faisant, on déprime son marché intérieur, ce qu'on espère compenser par des gains sur les marché extérieur. Stratégie qui serait gagnante si il n’y avait que quelques pays ou passagers clandestins, à faire ainsi. Mais si cette stratégie est généralisée à l’ensemble de l’UE, il est illusoire d’exporter plus chez un voisin qui déprime également son marché intérieur. Ainsi l’Europe devient–elle le boulet de la croissance mondiale, quand les Etats-Unis en reste la dernière locomotive aidée par les facilités que lui donne le dollar en matière de déficit de la balance des paiements. Que l'on pense au fait que l’U.E. compte plus d’habitants que les Etats-Unis mais que l’on continue à attendre d’outre atlantique la croissance montre à quel point l’Europe, emprisonnée dans ses stratégies de de downsizing, est incapable d’initier une croissance interne !

Ne s’agit-il pas également d’une recherche mal comprise de la compétitivité ? On a déjà évoqué ici l’erreur d’un modèle français recherchant la compétitivité prix quand c’est le modèle allemand de la compétitivité produit qui s’est avéré fructueux avec son rang de premier exportateur industriel mondial. La nouvelle théorie du commerce international souligne que c’est du développement du marché intérieur que vient la compétitivité. Une consommation dynamique favorise la création d’entreprise, des innovations sont rentabilisées grâce aux l’économie d’échelle nées d’un commerce intérieur prospère, innovations aidées par les aides de l’Etat et autres commandes publiques, dans des pays (Etats-Unis et Japon) où ne sévit pas la commission de la concurrence et l’application rigide de ses principes de la « concurrence libre et non faussée ». Le produit étant enfin mature technologiquement et ses coûts abaissés, (pensons ici là la compétitivité du cinéma américain rentabilisé sur 320 millions de spectateur quand le français ne l’est que sur un marché de 30) peut être avec succès exporté. On concilie ainsi compétitivité prix et produit. L’Etat et le consommateur sont ici à la base de la compétitivité, on est loin du modèle européen actuel ou le moins d’Etat (baisser la protection sociale, chasser les dépenses et services publiques) et le sacrifice de la consommation intérieure (baisser les salaires) apparaissent comme l’horizon indépassable de la compétitivité extérieure.

En Europe, on est du reste dans un modèle où c’est le commerce extérieur rendu possible par des exportations facilité par la compétitivité prix, qui doit tirer la croissance du PIB. Ne s’agit-il pas plutôt de passer à un modèle keynésien ou c’est la croissance interne qui par l’importation, l’importation des uns étant l’exportation des autres, qui entraîne le développement de commerce international ?

 

Un seul point fait consensus entre les économistes : il existe une forte corrélation entre commerce international et croissance. Du sens de la relation vient le débat, dans le modèle actuel c’est le commerce qui doit tirer la croissance, d’où les politiques de libéralisation des échanges et de compression des masses salariales, le pays étant allé le plus loin étant le vainqueur. Succès individuel, échec collectif. Ne s’agirait-il pas plutôt de s’intéresser à l’autre causalité où c’est la croissance des marchés intérieurs qui entraîne le développement du commerce international ?  En tout cas, la stagnation de celui-ci ces dernières années en même temps que la croissance faiblit, montre qu’on est peut être parvenu au bout de la première logique. Si le protectionnisme systématique, durable, n’est pas une solution, on se prive du progrès technique et des rendements d’échelles grand pourvoyeurs de croissance à long terme et pour lesquels la pression de la concurrence international est un aiguillon nécessaire, il est probable qu’on est allé trop loin et surtout trop vite dans la libéralisation Pas le "free Trade", mais le "fair Trade" disent parfois nos amis d'outre-atlantique. Avant de refaire le monde, commençons tout au moins par l’Europe, par une harmonisation sociale et fiscale. Une fois encore ce n’est pas l’extension du libre-échange qui est une erreur, mais sa réalisation sans harmonisation préalable….alors elle ne profite pas à tous. Alors oui, si on est pour la protection des personnes (protection sociale), de l’environnement ( protection environnementale ) , il faut être pour le protectionnisme…sinon, on est la victime de ceux qui pratiquent les dumpings sociaux, environnementaux et monétaires….comme tous les jeux, le libre-échange ne vaut le coup d’être joué que si tout le monde respecte les règles, là comme ailleurs il y a prime aux tricheurs….qui a dit que l’économie était chose morale ?

 

C. G. 15-1-2017

 

 

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